Article (textes et photos) publié dans le magazine Axes d’Affaires.
Mensuel professionnel spécialisé dans le tourisme d’affaires, les séminaires et incentives en entreprise.
Journaliste, rédacteur, reporter photographe j’y réalise des reportages en France et dans le monde (dossiers destinations, enquêtes, dossiers économiques, éditoriaux)
Cuba
La plus sensuelle des Caraïbes
Lors de l’un de ses derniers Congrès, Fidel Castro clamait haut et fort que « si Cuba doit être le dernier pays sous régime communiste, il le sera… » Nous sommes de plus en plus tentés de le croire. Mais si le fanatisme révolutionnaire « d’El Lider Maximo » se fait sentir un peu partout, Cuba ne peut s’empêcher d’être encore et toujours cette torride charmeuse qui fit succomber Hemingway.
Au coeur de La Havane, que les vieilles « américaines » enfument de la combustion d’une essence mal raffinée et de moteurs mille fois bricolés, l’hôtel Habana Libre inculque inévitablement au visiteur le rythme cubain. Ce véritable monstre de béton de 500 chambres, éclairé de lumières outrageusement tamisées, portait « avant la Révolution » le nom sans âme de Hilton. Aujourd’hui, son patronyme et sa gestion « d’après la Révolution » en ont une: celle de Cuba.
De charmantes liftières au chant rituel et monocorde « subiendo, bajando ? » (« vous montez, vous descendez ? ») font définitivement comprendre qu’ici la vie se prend comme elle vient. La climatisation de la chambre aura peut-être quelques ratés, il se pourrait bien que le bouchon de la baignoire ne soit pas parfaitement étanche et que la table de déjeuner ne soit pas des plus nettes. Personne, ou un trop grand nombre, en est le responsable pour pouvoir remédier à ces petits problèmes. Qu’importe, puisque à l’extérieur le mercure atteint des sommets et, faisant malgré tout abstraction de ses multiples tracas, Cuba se veut belle et pleine d’entrain.
Sublime Mojito
C’est le plus souvent sous une chape d’azur que La Havane s’éveille. L’UNESCO ne s’est pas trompé en classant Patrimoine de l’Humanité son centre historique. Les bâtisses aux façades délicieusement colorées ressemblent à de grosses pâtisseries – à la fraise, au caramel, à la menthe ou au citron – que le soleil et le temps dévorent avec gourmandise.
Au détour du fouillis de rues, les multiples places qui accueillent couvents et autres églises témoignent du riche passé espagnol de l’île. Aujourd’hui encore, le quartier colonial n’est autre que le tableau de la vie civile. On se rend toujours chez « l’Herbolario » ou à la « Botetica » prendre conseil auprès de l’abuelita, digne grand-mère qui, discrètement, délivre ses remèdes ancestraux, alors que Cuba possède l’une des médecines les plus en avance qui soit.
Mais la meilleure des tisanes est bien sûr à base de rhum et se déguste à la Bodeguita del Medio. Taverne devenue lieu de passage obligé des touristes, elle n’en a pas perdu son charme pour autant. Dans une ambiance plus que chaleureuse on y déjeune créole comme nulle part ailleurs et s’y savoure ce mythique cocktail inventé par le non moins légendaire Hemingway: le « Mojito ». Une bonne rasade de rhum blanc, un doigt de citron vert, une « saupoudrée » de sucre de canne, quelques feuilles de menthe, le tout noyé par de l’eau de Seltz. Après avoir libéré les arômes mentholés avec l’aide d’un petit bâtonnet, il ne reste plus qu’à porter le verre aux lèvres. Il fait plus de trente à l’ombre et pourtant la fraîcheur envahit déjà tout le corps…
Il est donc temps de découvrir le Malecon, immense promenade qui étire ses sept kilomètres le long de l’océan, et ses vieilles demeures que la lueur rosée du couchant inonde. Les jeunes cubains aiment s’y promener laissant flotter au vent leurs guayaberas, amples chemises de coton et tenue nationale. Jeux d’ombres et de couleurs sur fond de colonnes. Magie des lieux.
Magique Tropicana
Autre magicien, mais de la nuit celui-ci, le Tropicana attire le « Tout Havane ». L’immense cabaret fait évoluer près de quatre cents danseurs au coeur d’un décor de jungle tropicale. Le rhum coule à flot et ne fait qu’un bref séjour au fond des verres. La nuit entraîne ses hôtes au rythme des salsas, congas et autres mérengués. Saoulés des airs tropicaux, ils rejoignent bientôt la scène où les plus belles femmes de Cuba les initient à ces danses sensuelles.
Joyau de l’architecture coloniale, Trinidad (Patrimoine de l’Humanité) n’a rien de moins que la capitale si ce n’est sa fièvre. Dans la ville de la Sainte Trinité, les rues ne vivent pas au rythme des incontournables « guaguas », bus locaux et brinquebalants archibondés. Seules quelques vieilles américaines aux chromes et à la peinture passés peuvent troubler la nonchalance d’un ouvrier agricole se rendant aux plantations avec son précieux mulet.
Au coeur d’un labyrinthe de ruelles pavées, les petites maisons aux toits de tuiles rondes, aux balcons ornés de magnifiques ferronneries abritent quantité de musées pour une cité d’environ 30 000 âmes. Derrière une lourde porte de bois, dans la pénombre, d’habiles « rouleurs » produisent avec grand soin les célèbres « Havanes ». Visite inoubliable.
Cuba c’est aussi le rhum, et qui dit rhum, dit canne. La province marécageuse du Mantanzas, autrefois site de reproduction privilégié des anophèles et épicentre de la fièvre qu’ils transmettent, a été rendu salubre par d’importants plans gouvernementaux. Aujourd’hui la vie a repris ses droits et les cultures de cannes à sucre et les rhumeries côtoient les champs d’agrumes et d’agaves (dont on tire, ici, de la pâte à papier et non de la tequilla ! A chacun sa spécialité alcoolisée).
La nature n’y a pas perdu au change. Elle se laisse plus facilement admirer à Guama au cours d’une promenade au village indien. La reconstitution de cet habitat lacustre d’une autre ère trône au centre d’un labyrinthe de canaux où se reflètent féériquement les nuages en fin de journée. Magie de la lumière et de l’eau.
Deux éléments qui, eux, ne manquent jamais à Cuba, faisant que ce pays a toujours su conserver une certaine joie de vivre. Une appréciation de la vie que l’on retrouve à Cienfuegos, deuxième grand port de l’île et terre d’accueil d’un étonnant jardin botanique. Les touristes et amoureux viennent s’y promener, découvrant ficus démesurés, flamboyants écarlates et autres palmiers à la silhouette étrange.
En ville un vieux cubain fait la sieste sur une place où une banderole vante le courage de la jeunesse révolutionnaire. De jeunes écolières en uniforme passent, se tenant la main, devant la vitrine austère d’un magasin de jouets. D’autres plus âgées chahutent autour d’un marchand de glaces alors que, non loin de là, des adultes attendent patiemment leur tour pour la « distribution » de liquide vaisselle. Ce soir, la musique inondera de rythmes de fête les restaurants en bord de mer. Les « étrangers » y dégusteront d’excellentes langoustes qu’ils règleront en devises. Cuba terre de contrastes…
Ici se joue l’avenir de Cuba
Antithèse de la ville de la Sainte-Trinité et de la Révolution, Varadero allonge dans l’Océan Pacifique ses vingt kilomètres de presqu’île toute vouée au tourisme balnéaire. Avec son sable blanc, une eau toujours au dessus de 25°, porte ouverte vers les cayos – les petites îles – les plus réputées des Caraïbes, elle ne se donne pas trop de mal pour séduire les hommes en mal d’onirisme exotique. De magnifiques villas, folies mégalomaniaques de richissimes américains virent le jour avant la Révolution. La plus belle d’entre elles, la Maison Dupont de Nemours est sans aucun doute l’endroit le plus extraordinaire de Varadero. Surplombant sa plage privée (si, si, cela existe à Cuba !), entourée d’un immense parc et de son golf elle accueille aujourd’hui un grand restaurant, de par sa taille et non pour sa cuisine.
Le farniente sur la plage, les sports nautiques sont rois en ces lieux. Les établissements hôteliers se succèdent le long de la presqu’île. Leur confort est sans doute le meilleur que l’on puisse trouver sur Cuba. Fidel Castro a très bien compris que l’avenir économique de son île se jouait là. C’est pourquoi il a autorisé le développement de complexes touristiques à capitaux étrangers. Les journées à Varadero sont sous le signe des maillots de bains et des maîtres-nageurs surveillant – à la californienne ! – la plage du haut de leurs perchoirs. Point de départ d’une autre « Révolution » pour la plus sensuelle des Caraïbes ?
Christophe Hamieau.